Mouvements sensibles

Publié le par Béatrice Hermesdorf

Mouvements sensiblesLorsque des femmes exposent des femmes on ne peut nier qu’elles s’y connaissent puisqu’elles portent toutes entières en elles les caractères de la féminité. On ne peut donc que regarder le travail avec la sagesse de celui qui sait qu’il serait bien inspiré d’être attentif à la leçon, surtout s’il est un monsieur. Les femmes d’Agrasso rayonnent sur les toiles, mi collage- mi acrylique, elles marchent dans les pas d’Héloise, « bien entendant et bien lettrée, et bien amant et bien amée.[1] » On ne les sent pas trop sages mais très déterminées. Loin de Pénélope, filant et défilant la tapisserie pour échapper à ses prétendants, elles captent la lumière, accrochent le regard, vous hypnotisent et laissent derrière vous un doux parfum de sensualité et de force tranquille toute féminine. Pour autant ne vous infligez pas les souffrances d’Abelard, offrez leur plutôt les roses de la vie et à n’en point douter, le chemin à leur côté sera agréable.

Vous pouvez aussi, si vous êtes pressé, sauter au fond de la piscine : les femmes de Christyne Mounie ne sont pas farouches. Elles ont pris au pied de la lettre les sonnets de Ronsard et vengé d’un coup d’un seul, Didon, Médée, Lucrèce, Phyllis, Oenone, femmes cruellement abandonnées dont les cris douloureux viennent encore bouleverser nos cœurs tout en nous mettant en garde : on peut être roi, héros, descendant de dieu, et pour autant goujat ! Donc, dans les flots amniotiques qui ont porté à la vie Vénus, ces dames savent offrir du réconfort. Téméraires et conquérantes, amoureuses aussi peut- être, sans doute, c’est selon que vous êtes plutôt Calypso ou plutôt Dalila, elles en inspireront plus d’un, prêtes á affronter tous les Achéens du monde, pourvu qu’ils puissent eux aussi, plonger les yeux fermés.

La femme est une pierre brute dont on peut arrondir les angles. Lisborn Mashaya utilise l’énergie des roches typiques de son pays, le Zimbabwe, pour sculpter tout en rondeur des femmes joyeuses au bonheur communicatif. Les amants Deucalion et Phyrra, s’unissant sous nos yeux, peuplent de personnages attachants la galerie. Les pierres nous parlent, on les entend chantonner et rire. L’expression de leurs émotions est si intense que l’on pourrait engager un brin de causette avec ces femmes heureuses. Sans artifice ni comédie, l’homme sculpte l’amour. Mars et Vénus peuvent se réconcilier. Très belle soirée aux Ateliers Agora.

Publié dans Expositions

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