L'environnement se cultive à Eyguières

Publié le par Béatrice Hermesdorf

Je traversais le chemin rapidement car je ne voulais pas rester trop longtemps à découvert. Même si je n’avais plus grand chose à craindre des  perdrix qui avaient pratiquement disparu, j’entendais au loin quelques rouge- gorges, ces luthiers des campagnes,  qui m’obligeaient à presser le pas, et je cherchais rapidement une haie pour me cacher. Mais il n’en restait pas beaucoup. Selon les dires de mon arrière-grand oncle, les prairies avaient rapidement disparu elles aussi: lui avait l’habitude de gambader joyeusement dans l’herbe fraiche, gorgée de l’eau de la rosée alors que j’avançais sur des chemins goudronnés, sales et brûlants. Oh, on ne peut pas  en vouloir aux humains de souhaiter se loger mais doivent-ils le faire sur des terres riches et fertiles au détriment des nombreuses espèces qui habitent leurs haies, les berges des petites mares et les murets ? Il est une légende familiale qui raconte qu’il y eut un temps où nous collaborions: nous nous nourrissions des limaces qui se nourrissaient des salades que les paysans avaient plantées en surnombre : ils leur en restaient bien assez  pour se nourrir eux-mêmes, chacun avait le ventre plein et tous, paysans et animaux étaient contents.  Malheureusement,  il semblerait que ceci ne soit qu’une légende et que la chasse aux limaces se soit sophistiquée, au fil du temps et que les hommes aient trouvé des solutions radicales qui nous font bien du tort aujourd’hui. Je ruminais, je ruminais alors que j’escaladais un paquet de cigarettes vide, sans doute jeté par-dessus le haut mur de briques que je longeais, toujours en recherche d’une terre d’asile où me poser. Cette manie de construire en rang serré des maisons de plus en plus nombreuses m’obligeais à de longues marches où rien, rien, à l’exception de quelques détritus de plastique ou de papier, ne venait égayer ma route : du bitume à perte de vue. Au loin, j’entendais couler une rivière et je me demandais si les poissons eux aussi souffraient de l’expansion urbaine et des pratiques agricoles ou si leurs lits étaient encore correctement habitables. Alors que je me brûlais le bout des pattes, je sentais quelques ombres tournoyer au-dessus de moi : quelques nuages me disais-je, me contentant d’accélérer le pas. Coccinelles et papillons avaient déserté les airs depuis bien longtemps et j’avançais, seul, moi le dernier des coléoptères. Mon groupe avait en effet été décimé et cela avait attristé alouettes et hirondelles, qui déclinaient, suivant le rythme de notre propre déclin. Voyons, humain, qui pollinisera demain tes plantes, tes fruits et tes légumes si tu ne nous protèges pas ? Je râlais et j’avançais alors que le ciel se faisait gris et bas, je sentais bien que les nuages descendaient rapidement, mais j’avais beau presser le pas, je ne trouvais aucun refuge. Je sentais bien que ce n’était pas un nuage, je m’accrochais pourtant à cette illusion afin de mourir, rassuré.

C’est finalement la roue d’un gros camion qui m’a écrasé : l’oiseau s’est envolé le ventre vide alors que je suis là, tout écrabouillé sur une vilaine route de bitume. J’étais le dernier coléoptère de mon quartier.

En trente ans, les populations d'insectes auraient chuté de 80% en Allemagne. On constate le même phénomène en France. Nous avons donc décidé de leur consacrer une semaine, pour mieux les connaître et faire un geste en vue de leur préservation.

Publié dans Expositions

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