Résonances, Andros et Stéphane Dubois

Publié le par Béatrice Hermesdorf

Résonances, Andros et Stéphane Dubois

Se sont-ils concertés avant de coucher les pigments sur la toile, avant de râper, limer, tailler la pierre ? Andros a toujours eu un peu de son âme sur les sommets de l’Olympe quand Stéphane Dubois fait vibrer les toiles au rythme de chants célestes. Ne voit-on pas sur les murs les vibrations sonores du soleil, la raisonnante acoustique des sphères ? Les grincheux me feront me remarquer que lors de la mise en ordre du monde les Olympiens n’étaient point là encore. Certes, certes, mais rien ne nous dit que nous en sommes au commencement du monde et que peut être le temps a passé, même si le temps n’existe pas. Hélios, Séléné et Eos ne sont point ici nécessairement nouveaux nés et puisqu’Eros est déjà, c’est donc bien que la Nuit d’en haut s’est séparée de l’obscurité des Enfers d’en bas. Et puisque chaque chose se met à sa place sur un temps si long que nul ne sait s’il se compte et se décompte, alors il faut croire que les divinités primordiales sont déjà passées par là. D’ailleurs la lumière diffractée qui traverse les toiles n’est-elle pas la preuve qu’Ouranos enveloppe de pluies fécondes Gaïa et que sous nos yeux aveugles prennent vie les filles des vagues, la messagère des dieux, la Bourrasque, Vole-Vite et l’Obscure ? Certes, certes, je sens quelques sceptiques vouloir me dire qu’en ce temps-là, il n’y avait pas d’Olympiens. Mais les mythes ne sont pas des histoires, ce sont des « organismes aux pulsations et aux métamorphoses incessantes »[1] mots que j’emprunte à Pierre Grimal car ils me semblent très bien résumer les œuvres présentées ce soir sous le titre évocateur de Résonances.

Dans l’univers des dieux, il n’y eut pas toujours des hommes et la course vers le pouvoir fût longue, violente, meurtrière. Elle fût une histoire de famille où les pères se méfiaient des fils à juste raison. Elle fût une histoire de famille où les mères cachaient leurs nouveau-nés aux pères à juste raison. Puis lorsque les hommes vinrent au monde, ils gardèrent beaucoup de défaut de leurs dieux. Puis ils oublièrent leurs dieux. Andros et Stéphane Dubois nous amènent juste après les ténèbres. Chronos a fait naître le jour et avec lui le temps, celui qui, bien réglé, se compte et se décompte. Aujourd’hui muets, les dieux impassibles, figés et drapés dans une divine dignité attendent que les hommes les rappellent. « Posez la main sur la sculpture et fermez les yeux … »[2] comme vous le suggère Andros et vous repartirez avec une part de l’Olympe et alors vous saurez que ce ne sont pas des fables de nourrisses[3]. Vous saurez qu’ils ont vraiment existé et qu’ils sont mêmes encore là, sous vos yeux. Et si nos artistes ont été suffisamment avisés de bien fermer la porte du Tartare lorsqu’ils ont quitté les lieux pour vous offrir un peu de théogonie ce soir, vous devriez passer une excellente soirée, loin des Titans et des Hécatonchires. Buvez à ma santé, je trinque avec vous mon nectar d’ambroisie.

Exposition à découvrir jusqu'au 8 octobre aux Ateliers Agora- Eyguières.

[1] Pierre Grimal- La mythologie grecque- PUF Quadrige

[2] Andros

[3] Platon

Publié dans Expositions

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