Le couple Arnolfini à la manière de... Eva et Patrice Sebben

Publié le par Béatrice Hermesdorf

Au cœur du couple, l’amour, du moins l’espère t-on. Mais aimer n’est pas chose aisée. C’est donc par l’exemplarité qu’il nous faut entrer en amour et alors bien choisir nos maîtres. S’aimer à la manière de Lancelot et Guenièvre, trahir l’ami et le mari, enflammer les colères, être séparés par la guerre et s’amender le reste de sa vie. S’aimer à la manière d’Héloïse et Abélard et s’offrir une histoire douloureuse pour les chairs, porter très haut l’art de l’amour dans des transports épistolaires, quitter enfin la cellule pour se retrouver au tombeau. S’aimer à la manière de Roméo et Juliette, se promettre de s’aimer jusqu’à la fin de sa vie, de s’aimer contre vents et marées, de s’aimer au-delà des inimitiés, puis écourter sa jeune vie afin de ne pas trahir sa promesse. S’aimer à la manière de Roxanne et Cyrano. Se cacher derrière les jolis mots, flatter la prétentieuse frivole, la laisser pleurer un sot, se trahir et découvrir l’amour en retour alors que l’on se meurt. S’aimer comme monsieur Darcy et miss Bennet avec retenu, orgueil et préjugés, beaucoup se tromper entre convenance et sentiments pour finalement s’abandonner et sous le règne du bon roi Georges III se marier, comme cela se fait. Aimer comme Swann aime Odette, aimer à en tomber malade, aimer à en mourir, se retourner et se dire qu’elle n’était pas son genre et qu’il était temps d’en guérir. Aimer sur le canapé de Freud : trembler quand on découvre que l’homme fier à ses côtés et en fait le portrait craché de votre mère encore toute engluée entre votre œdipe et votre père. Renoncer après plusieurs actes manqués à la fidélité et accepter pour tout préliminaires la forclusion du nom du Père afin de ne pas aimer comme Althusser. S’aimer comme Louis et Elsa, se jurer fidélité des cœurs, s’inquiéter de l’infidélité des corps, sublimer l’être aimé, laisser celui qui reste amoureux et blessé. Aimer « à la manière de » au lieu d’aimer un peu comme on peut, sortir de l’ombre et avancer sans se retourner, cent fois revenir sur l’ouvrage et s’armer de patience pour ne pas mourir de chagrin. Ah que l’amour semble donc compliqué. Alors que s’aimer simplement à travers une complicité renforcée par les ans, s’aimer sans manière, tout au bonheur d’être avec toi, ne devrait quand même pas être un défi quotidien. A moins que les anciens aient voulu nous planter mille cactus sur le chemin de l’amour heureux pour nous rappeler ces mots d’Héraclite : « Ce qui s’oppose coopère, et de la lutte des contraires procède la plus belle harmonie. »

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